Deux écrivains thouarsais ouvrent
la porte du temple maçonnique
Qu'est-ce
que la franc-maçonnerie ? D'où vient-elle ? Que fait-on dans
les temples ? Dans un volumineux livre de 600 pages, deux Thouarsais répondent.
Extraordinairement fouillé et précis.
le livre signé par Marie Delclos et Jean-Luc Caradeau est une somme
sur un sujet qui intrigue depuis des lustres : la franc-maçonnerie.
La dernière page tournée, le lecteur devrait être un expert
en la matière tant l'érudition ici déployée
est considérable. Les deux écrivains Thouarsais ont bien
voulu répondre à nos questions.
NR: Faut-il être franc-maçon
pour lire, et surtout pour comprendre, ce livre ? Marie
Delclos et Jean-Luc Caradeau: « Non ! Ce n'est pas un livre pour
initiés. La première moitié de cet ouvrage étudie
les civilisations anciennes qui ne pratiquaient pas la maçonnerie,
et dont pourtant les grandes interrogations spirituelles sont celles que pose
la maçonnerie depuis sa naissance au XVIII siècle. Toutes les
civilisations-mères - celles qui ont fondé la nôtre -
ont imaginé l'outil et l'architecture qui sont si importants pour le
franc-maçon. Les civilisations nomades aussi se sont posées
des questions du même ordre, mais avec une autre grammaire symbolique.
Vous faites remonter la maçonnerie à
Adam, n'est-ce pas un peu fantaisiste ?
«La franc-maçon fierté s'appuie
sur un texte fondateur appelé " les constitutions d'Anderson
" en 1723. On y lit que le premier maçon est Adam c'est Adam,
naturellement
une allusion symbolique. Cela signifie qu'Adam est un homme
qui pense et qui s'interroge, qu'il va construire et se construire en même
temps, îl représente l'homme universel, l'homme de tous les
temps. »
Pourquoi l'église s'oppose-t-elle à
la franc-maçonnerie? Elle déclare le maçon en
état de péché grave, et pourtant jadis de nombreux
prêtres étaient francs-maçons !
«L'église a une mission essentielle: la défense
du dogme. La maçonnerie en a une toute autre :
cultiver chez ses membres une pensée libre. Évidemment les
deux ne vont pas ensemble. Le maçon est un homme libre, l'église
exige de ses fidèles l'obéissance. Un jour, un pape a
rédigé une bulle (décret). Depuis, l'église
dit que les maçons sont effectivement en état de péché
grave, ils ne peuvent pas communier, ils sont excommuniés. Mais autrefois.
pour qu'une bulle soit appliquée dans le royaume de France il fallait
que, sur demande du roi, le parlement de Paris la confirme ; ce qui
n'a
jamais été fait et a permis à nombre de religieux d'aller
en loge. »
Hitler, Pétain, Franco, Staline ont purement interdit la maçonnerie,
ce n'était pas pour faire plaisir au pape pourtant !
« Des assemblées qui se réunissent et qui exercent
leur liberté de pensée, car c'est bien cela le rôle de
la maçonnerie que d'apprendre à s'interroger sans préjugé
sur le monde, sur sa signification. cela ne plaît Jamais aux gouvernements
coercitifs. »
Pourtant certains regardentla franc-maçonnerie
comme une secte, un lieu où justement la liberté est jugulée.
« // n'y a pas de gourou, et jamais une unique façon de
penser.La maçonnerie, c'est donc l'exact contraire
d'une secte.
Toutes
les religions et tous les athées peuvent y adhérer. Le
jour ou un maçon dira : " Voilà la vérité
" il cessera d'être maçon. Alors, bien sûr, comme
les travaux maçonniques ne sont pas publics, les gens imaginent
qu'ils relèvent d'une secte. Mais il y a un moyen bien facile de quitter
la franc-maçonnerie : il suffit de ne plus payer sa cotisation...
Avec une secte ce n'est jamais aussi simple. »
II reste que la maçonnerie permet de faire des
affaires,
« Pas plus qu'ailleurs. Les "fraternelles" qui rassemblent des maçons d'une même profession
sont de plus en plus mal vues, justement pour ne pas tenter de tout mélanger:
la connaissance de soi et sa position dans l'univers et le volume de son porte-monnaie.
En ce moment il semble qu'il y ait moins
d'affaires
en maçonnerie que dans le "foot professionnel, non ?»
Qu'est-ce qu'un franc-maçon ?
« Un homme ou une femme "libre et de bonnes mœurs ". Il faut impérativement
un casier judiciaire vierge. Ensuite il faut exercer
la fraternité, mais toujours dans l'honneur. On peut refuser un service
à un frère, ou n une sœur, si l'on considère que ce service n'est pas digne.
D'ailleurs dans ce cas, celui qui manque de fraternité n est pas celui qui
refuse le service, c'est celui qui le demande. »
Êtes-vous francs-maçons tous les deux ?
« Nous nous intéressons depuis longtemps à toutes les
traditions. Il était logique d'étudier la franc-maçonnerie. Nous sommes satisfaits
du travail accompli. Nous
avons trouvé de nombreux
documents qui, mis en perspective, ouvrent de nouvelles voies. Sommes-nous
francs-maçons ? C'est au lecteur de se faire sa propre opinion. Cela étant,
lorsque nous étudions la tradition dans l'Egypte antique, nous ne sommes
pas pour autant grand prêtre et grande prêtresse Egyptiens ! »
Propos recueillis par Philippe L'EXCELLENT
« La franc-maçonnerie des origines à nos jours
» aux Éditions Trajectoire, collection « Les Incontournables ». 24. 50 €.